doagui a écrit:Grr, moi ce qui m'enerve c'est ceux qui montent sur leur grands chevaux sans prendre la peine de réfléchir...
C'est pourtant ce que tu viens de faire.
En ce qui me concerne, puisque je suppose que c'est de moi que tu parles (ce qui ne me gêne nullement, soi-dit en passant), je n'ai jamais prétendu, dans le simili débat qui nous intéresse ici, avoir "réfléchi" à cette citation de Bernard Werber ; je me suis humblement contenté de réagir au fait que, si je me réfère fidèlement à la façon dont le sujet a été amené, ledit Werber semble s'être approprié (et je le dis avec toutes les pincettes qui s'imposent) une formule fondamentale de la philosophie, au détriment de certains de ses lecteurs (2,5 millions tout de même, ce qui n'est pas rien) qui risqueraient de s'imaginer qu'il est le génial inventeur, au-delà d'un simple mot d'auteur, de tout un pan de la pensée occidentale.
doagui a écrit:(...) qu'est-ce qui nous dit que ceux qui ont "inventé" le cynisme, le stoicisme ou tout ce que vous voulez ne l'ont pas plagié d'un quelconque penseur malheureux dont l'histoire aura oublié le nom?
Une philosophie, d'abord, ne "s'invente pas", ne surgit pas ex nihilo : on la vit, on l'édicte, on la professe, on la transmet. Dans la mesure où les premiers philosophes occidentaux (puisque c'est d'eux dont on parle) sont apparus sensiblement après l'existence de l'écriture, à une époque où la tradition orale était à son climax, dans des sociétés à la pointe de la civilisation, et si l'on ajoute à cela le fait que la pratique de la philosophie, discipline totalement imbriquée dans la politique (au sens propre, la vie de la cité), était régentée par des lois tacites très fortes, on comprend assez aisément qu'il est difficile d'imaginer que les "maîtres" (Héraclite, Socrate, Platon, Aristote, Epictète, etc.) aient pu en leur temps usurper un "quelconque penseur malheureux". La pensée était un véritable mode de vie, presque un "label", et il était difficile de la "noyer dans la masse", du moins en ce qui concerne ses grand courants (histoire de rester dans la métaphore de l'eau).
J'espère avoir été clair sur ce premier point. Cela dit, ne me fait pas dire ce que je n'ai pas écrit : si on raisonne par l'absurde, oui, bien sûr, à partir du moment ou Antisthène, Diogène le Chien & consorts ont "inventé" le cynisme, alors pourquoi ne pas imaginer que d'autres ont vécu auparavant selon ce même système de valeur, ou du moins un système s'en approchant ? Pourquoi pas, bien sûr, sauf qu'il y a là une faille majeure : des événements politiques et historiques ont présidé aux réactions et attitudes des philosophes sus-nommés, tels le siège de Sparte (Diogène ne dormait pas du tout dans un tonneau géant : il y avait juste élu domicile qqes jours pour singer la torpeur et l'effroi des assaillis, confinés dans leur ville fortifée mais néanmoins assiégée), les conquêtes d'Alexandre le Grand (grand admirateur de Diogène, à qui il avait promis d'accéder à sa moindre requête, et ce dernier lui ayant répondu, alors qu'il faisait la sieste sur un rempart : "Ote-toi de mon soleil, tu me fais de l'ombre"), le ridicule de la vie politique d'alors et la suffisance des tenants de ladite vie politique ainsi que de leurs administrés (Diogène avait pour habitude de se promener avec une lanterne dans une main, en hurlant "Je cherche des hommes, je cherche des hommes", et un poulet déplumé dans l'autre, vociférant "Ecce homo", "Voici l'homme, partout on me parle d'hommes, mais je ne vois que des poules mouillées !"), bref, tout cela aurait-il pu naître dans un autre contexte politique et historique ? Non.
Et on peut argumenter ainsi pour les autres systèmes philosophiques.
doagui a écrit:Dans le même gerne, j'ai lu récemment que celui qu'on croyait être l'inventeur du téléphone avait simplement repris les plans d'un homme décédé!!! C'est évidemment pas la même chose, mais bon pourquoi pas?
Tu l'as dit, ce n'est pas la même chose. Graham Bell n'aurait pas été l'inventeur du téléphone ? C'est possible. On sait que le phonographe et le microphone n'ont pas été inventés par Edison, mais par le poète et inventeur français Charles Cros, quelques mois plus tôt, et qu'Edison lui a simplement "soufflé" ses trouvailles. La belle affaire. L'histoire de la science, elle, est remplie de choses de ce genre. Mais la philosophie et la science ne sont pas régies par les mêmes lois : l'une est une science humaine, l'autre une science exacte.
doagui a écrit:Enfin, dernier truc: avant d'accuser qqn de plagier, il faudrait déjà s'assurer que la personne désignée connaissait la chose en question! Après tout, Werber est peut être un inculte qui ne connait rien d'autre que son Bezoule-les-oies natal et qui a réellement réfléchi tout ce dont il nous parle dans ces livres!
Je suis désolé, mais je n'ai pas à m'assurer de ce genre de "trucs" : je le sais, c'est tout. C'est mon métier dont il s'agit ici. Werber n'est pas le moins du monde un inculte. Loin s'en faut. Et ce qu'il s'attache à faire de son oeuvre, ce qui est tout à son honneur, c'est justement une sorte d'"encyclopédie populaire" sur les "petits et les grands sujets de la vie".
Je reprends là de mémoire le sous-titre d'un de ses (excellents) livres, "le grand livre secret des fourmis", sur lequel il m'a été donné de travailler il y a quelques années. Livre que j'ai au passage adoré.
Et c'est pour ces raisons que je m'étonnais que Werber, qui a une très grande culture et, la plupart du temps, une bonne opinion de ses lecteurs (ce qui est loin d'être le cas de beaucoup d'écrivains, et parfois même de leurs éditeurs) puisse sembler les prendre pour des cons en s'appropriant une phrase que même les lycéens connaissent, si je puis me permettre de revenir sur ce point.
Cela dit, je ne prétends pas que tel est le cas, il est tout à fait possible que j'aie mal interprété ton intervention de 6 h 57 pm précises, dans laquelle tu parles d'une "adaptation d'une CITATION" de Werber, ce qui, en bon français, signifie toutefois bien ce que cela signifie. Et c'est par ailleurs en ce sens que j'ai répondu à Toubib dans mon post de 8 h 48 pm, donc après que tu as posté ta réponse, et avant ton invective un peu hâtive de 11 h 43.
doagui a écrit:Bref, tout ça pour dire qu'il ne faut pas accuser sans savoir.
Je suis tout à fait d'acord avec toi sur ce point précis, j'irai même plus loin en ajoutant qu'en plus de savoir ce dont on parle, il faut avoir réfléchi. J'espère en tout cas avoir apporté quelques éléments de réponse.
doagui a écrit:En tout cas, pour revenir au sujet, je laisse la main à qui la veut.
Moi aussi.
Désolé pour ce looooooooong message qui, gageons-le, aura apporté quelques litres d'eau au moulin. (J'ai au moins pris une page à moi tout seul, là, non ?

)