par Black Heaven Fox » Mar Aoû 24, 2010 7:45 pm
Chapitre six
La défense héroïque
« Je la vois souffrir, elle est prisonnière. Non pas d’êtres humains, mais de démons. Je suis moi-même bloqué, impuissant, forcé à observer ma propre amante mourir sous mes yeux. Force des bras comme celle de l’esprit, je suis forcé à rester à genoux. Je puise jusqu’au fond de mon être, tentant de ranimer des choses oubliés, des réserves que j’ai un jour utilisé mais que mon esprit a aujourd’hui enchainé dans un coin que trop reculé … »
-Oh ! Achillas, debout !
L’amnésique ouvrit lentement les yeux, la vue toujours trouble des cauchemars qu’il venait de vivre. Son corps était emboité de partout, comme si cela faisait une journée complète qu’il dormait dans une position inconfortable ; du moins cela était vrai pour la position, elle était des plus inconfortables en y rajoutant ce qui lui servait de lit. La matière rugueuse et brute du bois composant le radeau le laissa raide pendant un instant, il dut procéder à quelques étirements afin de reprendre contact avec le monde réel.
-Achillas, c’est ton tour de ramer.
Le soldat afficha un sourire en coin, voila quelque chose qui le réveillerait certainement. Les six hommes naviguaient depuis une journée complète, suivant le cours d’une rivière atrocement longue, comme ils pouvaient tous le voir et d’ailleurs comme le guide l’avait annoncé la veille comme « Une des plus longues rivières de Grèce ». Archippus parlait de la région quand cela était nécessaire, ayant première abordé le sujet d’une éventuelle citée, village dans le coin. Ensuite il avait parlé du type de poisson que l’on pouvait pêcher et manger sans problème, c’était plus qu’un simple guide, c’était leur guide de survie à tous, car ici, les connaissances de pêches acquises par Achillas étaient inutilisables, compte tenu de la flore si différente, la faune était elle aussi, très différente. Par chance, les espèces comestibles abondaient sur ce bras de la rivière. Et à l’aide de quelques outils de fortune, la pêche apporta rapidement des ressources suffisantes pour nourrir chaque homme de l’embarcation. Archippus avait parlé d’un village appelé Hélos et qui d’après lui, ils devraient attendre d’ici le milieu de la journée. Le village était essentiellement agricole et pêcheur, un peu comme Aois. Achillas, le seul natif d’Aios espérait du fond de son cœur que leur destination n’aura pas subi un sort similaire au sien. Sinon, vu de ce point-là, ils pouvaient déjà s’apprêter à continuer la descente de la rivière, en vue d’une autre destination, pour le peu qu’il y en aurait une. Les rames passèrent de mains en mains jusqu’à ce que le soleil parvienne au zénith, moment précis où ils arrivèrent au petit quai desservant le village d’Hélos. Achillas rassembla ses affaires en hâte, avant de bondir sur le petit pont de bois. Personne ne semblait présent à cet endroit, peut-être que la pêche avait déjà eu lieu plus tôt, celle-ci se faisant en général le matin tôt. Un chemin relativement large s’étendait un peu plus en avant, passant au milieu de champs, pour finalement arriver à un portique de ce qui semblait être le village en question. Archippus vint se placer juste à côté du guerrier, scrutant les alentours, légèrement inquiet.
-C’est étrange que personne ne soit là … cela m’inquiète.
Achillas prit la parole tout en vérifiant ses sandales.
-Moi ça me parait normal, habituellement la pêche en Grèce est une activité réservée au matin et au soir. Néanmoins, restons sur nos gardes, on ne sait jamais.
Deux grecs étaient toujours sur l’embarcation, Achillas se préparait à demander quel était le problème, mais la réponse lui parvint plus vite que prévu.
-Nous allons rester ici et garder l’embarcation.
Achillas aurait compris l’utilité de cette manœuvre si seulement ils comptaient reprendre la descente de la rivière, ce qui ne serait probablement pas le cas.
-Nous n’allons probablement pas reprendre cette barque, nous allons continuer à pied en travers des terres jusqu’à parvenir à une citée.
Le plus jeune des deux grecs affichait une expression frustrée.
-Nous le gardons au cas où des monstres seraient maitres du village. Où irez-vous si l’entrée est bloquée ?
Sur ce point là, Achillas devait leur avouer raison, bien qu’il doute plus que cela serve d’excuse pour éviter des éventuels affrontements. Il leur fit un petit sourire moqueur, le genre de sourire qu’on ferait à un enfant cherchant des excuses les plus inutiles que les autres pour éviter une corvée encombrante.
-Soit, faites comme bon vous semble. Les autres, allons-y.
Achillas laissa les deux grecs en plan, reprenant la route avec les deux asiatiques et Archippus. Le sentier était strié de marques parallèles, signe que des charrettes à bras ou autre machines passaient fréquemment sur la route. Les traces étaient d’ailleurs encore très récentes, prouvant que le village avait circulé ce matin même. Achillas doutait que le village soit déserté, mais cela restait une éventualité ; le soldat conservait son épée à portée de main, paré à toute attaque surprise. Le jeune asiatique était quand à lui armé d’un trident qu’il portait en diagonale du dos, ainsi que d’un arc long dont Achillas ignorait l’origine, le sien étant nettement plus court. Un arc de cette taille devait projeter ses flèches à quelques centaines de mètres au loin, voire plus même, mais il doutait que l’impact soit aussi puissant que son homologue grec. Le vieil homme était soutenu par Archippus dans sa progression, son grand âge ne lui permettant pas de marcher indéfiniment sans aide. Le silence était maitre des lieux, seul les pas des quatre hommes produisaient un léger raclement. Une flèche fusa d’un buisson, sifflant dans l’air avant de se ficher dans le talon du vieil homme clopinant. Celui-ci s’écroula en grognant, à présent totalement infirme. Achillas ne perdit pas une seconde, sortit son arc pour décocher une flèche sur la tête cornue dépassant des herbes. La flèche partit en trombe, mais fila au-dessus de sa cible.
-A couvert ! Archippus, mets le vieil homme derrière le muret là !
Le satyre préparait son deuxième tir, mais il fut interrompu par une longue flèche au travers de la gorge. Achillas regarda le satyre s’écrouler, stupéfait ; Il se retourna, sourire aux lèvres, le jeune asiatique n’avait pas commis la même erreur que le myrmidon.
-Joli tir …
L’asiatique posa sa main sur son cœur en acquiesçant, probablement une sorte de salut.
-Mon père était défenseur de la grande muraille lors des invasions mongoles, il était un archer de renommée.
Achillas lui sourit tout en pensant que lui aussi, il aurait bien voulu vanter les exploits de ses parents, de ses pairs, voire même les siens ; chose hélas qu’il devait faire abstraction pour le moment, non par manque de permission mais plus précisément par manque de possibilité, l’amnésie opérant toujours.
-Et je vois que son fils a hérité d’un certain talent dans le maniement de l’arc. Mais en fait, je ne connais toujours pas ton nom …
Le jeune archer rangeait son arc avec soin, le laissant néanmoins à moitié visible, probablement pour le dégainer plus vite en cas de besoin. Les flèches qui remplissaient son carquois étaient longues et effilées, correspondante au format de l’arc.
-Je me nomme Sun Tian monsieur.
Achillas mémorisa le nom, se promettant de ne jamais l’oublier. Il se retourna pour regarder de plus près l’état du vieil homme. Celui-ci perdait peu de sang, mais la flèche avait probablement froissé, voire sectionné un ligament. Sur un homme de cet âge, la blessure mettrait du temps à cicatriser. Il nécessitait néanmoins d’être porté. Achillas tenta de retira le projectile, mais en comparant la grimace de l’homme et le sang qui s’apprêtait à gicler, il était préférable de laisser cette flèche à son endroit.
-Archippus, te crois-tu capable de le porter seul ?
Celui-ci acquiesça avec assurance, soulevant déjà le corps de terre en ayant pris de placer un bras sous la nuque et l’autre sous les genoux.
-Bien, allons au village.
Ils redoublèrent de vitesse, ne voulant perdre aucune précieuse seconde pour cette fois-ci. Achillas pouvait apercevoir un homme armé non loin derrière portique, Hélos semblait mieux préparer qu’Aois, cela ne semblait faire aucun doute. Le regard froid et l’allure militaire, le garde vint à leur rencontre, baissant sa lance non loin de la gorge d’Achillas.
-Halte ! Ordre du général, personne n’as le droit d’entrer dans ce village.
Achillas posa rageusement sa main sur la lance du soldat, tandis qu’il levait sa main gauche en signe de reddition, il avait horreur de se faire agresser de cette façon.
-Nous ne sommes pas vos ennemis, nous sommes six voyageurs cherchant à la fois asile …
Il désigna le vieil homme, toujours porté par le guide.
-… et des soins pour cet homme.
Le visage du garde restait de marbre, tandis qu’il s’approchait pour examiner le blessé. Il fit signe de le poser sur le sol, tandis qu’il sortait des bandes et des baumes qu’il avait en sa possession, le tout étant placé dans un sac placé à hauteur de ses reins.
-Hum, je vais faire une bande ici et puis je l’amènerai au village. Ce vieil homme ne représente aucune menace, quand à vous trois, je demanderais autorisation à mon supérieur.
Achillas soupirait discrètement, il constatait avec désespoir que le protocole militaire n’était vraiment pas adapté pour distinguer menace et voyageurs égarés. Mais certes, ce garde ne faisait que respecter les ordres.
-Très bien, nous patienterons le temps qu’il faut. Tout ce que je peux vous assurer c’est que nous ne sommes aucunement des démons, si c’est ce que vous pensez.
Le garde ne répondit pas, absorbé dans ses soins primaires. Un grondement s’éleva, provenant de la rivière, il était de faible intensité mais Achillas l’entendait nettement. Sun Tian et Archippus ne semblaient pas y prêter attention, contrairement au myrmidon. Il serrait la poignée de sa dague de toute ses forces, allant jusqu’à en laisser des marques dans sa peau. La terre tremblait … non pas dû à un quelconque roulement, mais aux pas de courses de centaines de bêtes à sabots … Le garde se releva en hâte.
-Seigneur de l’olympe, ils arrivent !!
Il se rua au village en hurlant de sonner l’alerte, tandis qu’Achillas dégainait son épée avec vigueur.
-Tian, prends le vieil homme et passe devant, trouve-lui un abri sûr, tu seras plus rapide. Archippus et moi couvrons tes arrières.
Tian s’exécuta sans attendre de remarques, mais le guide semblait être horrifié face à la réalité de la phrase que venait de sortir le guerrier.
-Quoi ? Comment ? Me battre ?! Mais Achillas, je ne sais pas me battre !
Achillas lui tendit son arc et quelques flèches.
-Dans ce cas, couvre-moi avec ça et surtout fais gaffe à … Baisse-toi !
Un satyre venait de débouler en plein élan, il était grand et imposant et chargeait tel un taureau sur Archippus. Le guide se plongea en avant, de telle sorte à ce qu’il se retrouva en les jambes d’Achillas. Celui-ci avait gardé l’épée en main et la planta en travers de la gorge du monstre, de manière légèrement incliné afin de pousser le corps vers le sol et ainsi éviter de se faire percuter. Un corps d’une telle masse avait tendance a persister dans son mouvement après sa mort. Il retira l’épée juste après qu’Archippus se soit dégagé, avant d’essuyer les quelques gouttes de sang qui avaient giclées sur son visage. Le guide était tétanisé.
-Qu’Hadès me rappelle … qu’ai-je fait pour parvenir à cela !
-Cessez de gémir et reprenez cet arc ! Il est trop tard pour reculer maintenant.
Sur ces mots, une bonne dizaine de satyres se profilaient au loin, sans compter la paire qui venait de surgir du coin de la colline. Achillas observait son acolyte du coin de l’œil, celui-ci tentait de viser avec l’arc. Il lui laissa le temps, après tout tirer une première fois n’étais pas si simple, lui-même avait failli estropier Bérénice lors de son premier tir …
La flèche partit à toute vitesse et alla se ficher dans le cœur du premier satyre, il s’agissait d’un bien meilleur tir que celui d’Achillas au même niveau. Le deuxième satyre s’arrêta quelques secondes, encore hébété de la mort de son compagnon, ces mêmes secondes qui signèrent sa propre fin, le myrmidon ayant lancé sa dague dans le cou exposé de l’homme-bête.
-Je suis béni d’Arès … j’ai abattu cette bête d’une seule flèche !
Achillas alla récupérer en hâte sa dague sur le corps de la victime, pour ensuite s’emparer du petit bouclier de bois arrondi, appartenant autrefois au défunt « satyre-taureau », mais celui-ci n’en ayant plus aucune utilité.
-Ne te réjouis pas trop vite, les dieux reprennent vite leurs faveurs sur les hommes. Ne pense pas trop longtemps et contente-toi de tirer, si tu te poses des centaines de questions sur le pourquoi de ton geste, s’il va réussir ou pas, tu peux déjà poser des pièces sur tes yeux pour le passeur.
Archippus fut d’abord terrorisé de la déclaration de son compagnon, mais elle eut finalement un effet encourageant sur ses actions. D’autres satyres commençaient à venir, arc bandé et épée levé, les deux hommes se préparaient à leur bataille. Le guide rata sa première flèche visant un satyre borgne, le même qui se précipitait sur Achillas, hache levée et prêt à le dépecer. Le guerrier para le coup de son bouclier, avant de faucher les pattes du monstre et de l’achever une fois au sol. Son affrontement avec le chef esclave lui avait beaucoup appris et de simples satyres à l’instinct sauvage ne constituaient plus une menace pour lui. D’autres bêtes se présentèrent, tantôt transpercés par une flèche, tantôt tranchés par une épée ou une dague. Le rythme d’arrivé des satyres était relativement lent, ce qui permettait aux deux hommes d’assures correctement la défense. Si une légion de satyres se présentait dès maintenant, la fuite agirait en tant que plan de secours, seule alternative à une défense qui serait désespérée. Au fur et à mesure que la bataille gagnait en intensité, Achillas gagnait en force et en reflexe, il était sujet à une montée d’adrénaline incroyable. En fin de compte, son passé de myrmidon n’avait plus rien d’étonnant, la bataille était l’endroit dans lequel il se sentait le mieux, il aimait ressentir la chaleur se déverser dans son corps, ces picotements discrets indiquant tel ou tel danger. La bataille était ce qu’il préférait le mieux, après être auprès de Bérénice bien sûr. Mais dans ce cas, l’effet était double, puisqu’en y réfléchissant, il pouvait trouver divers sens à son combat, à savoir qu’il se battait pour le village, qu’il se battait pour couvrir Tian, ou encore le sens qui le rendait heureux … celui de se battre pour Bérénice.
L’intensité des vagues redoubla, les satyres chargeaient avec force à la vue de leurs compères mutilés. Achillas continuait de bloquer les satyres déboulant sur lui, bloquant l’accès vers Archippus, mais l’un d’entre eux, plus intelligent, fit un détour pour parvenir à lui. Le guerrier l’avait remarqué, mais trois satyres particulièrement véreux l’empêchaient de baisser sa garde, il dut se résoudre à espérer que le guide parviendrait à s’en sortir. Le trio infernal alternait sa tactique pour traverser les défenses d’Achillas, tout en bloquant tout assaut envers eux. Achillas tenta une feinte vers la tête du premier, faisant réagir les deux autres, pour finalement reporter son coup, en pivotant légèrement sur la droite, dans l’abdomen du troisième, celui-ci s’écroula raide mort. Les deux autres furent emprunt de furie et se jetèrent tels des lions sur le myrmidon. Celui-ci parait avec frénésie, expédiant des coups dans tous les sens et plaçant le bouclier dans les bons angles. Il observait le combat que menait Archippus à la dérobée, l’avantage n’étais pas en sa faveur … il devait trouver un moyen rapide d’en finir avec ses deux protagonistes. Il assena au premier satyre un coup de bouclier d’une telle force que celui-ci en resta sonné pendant quelques secondes, lui permettant, non sans parer un coup désespéré de la deuxième bête, de l’achever sur le champ. Il ne restait plus qu’un seul satyre en lice, celui-ci jouait prudent. Conscient de perdre du temps, Achillas para un coup avant de reculer de quelques pas et pouvoir lancer son couteau vers son adversaire. Le satyre, désemparé, ne vit rien venir et s’en alla rejoindre ses compagnons dans les entrailles des enfers, là où ils devraient normalement se trouver. Il se retournait, sous la brise du vent, pour aller aider son compagnon d’arme, mais il était déjà trop tard, conséquence de sa propre faiblesse pour éliminer ces trois satyres gêneurs, Archippus venait de finir empalé au bout de la lance du satyre fou. La rage monta en Achillas comme de la lave dans un volcan, son corps tremblait tandis que ses mains se resserraient sur ses armes. Une larme s’écoula au milieu du sang couvrant son visage.
-Je vais … te lacérer, jusqu’à ce que ton corps ne soit plus que des petits cubes pouvant nourrir garnir la coupe du dieu Arès et que ton sang apporte renouvellement à la terre !
Le satyre grogna en se relevant sur ses pattes arrière. Il prit un de ses javelots et le lança en hurlant vers Achillas, son bouclier s’interposa dans un mouvement machinal. Le myrmidon rangea son épée et récupéra le projectile tout en avançant vers sa cible. Le satyre récupéra sa lance, toujours plantée dans le corps du grec, avant de lui-même s’avancer vers l’humain. Le regard de fureur affrontait le regard bestial, aucun des deux ne baissait les yeux alors que le duel commençait. Achillas se battait de manière lointaine, tirant parti de la longueur du javelot pour rester à bonne distance, le fer de l’arme frôlant constamment les yeux du monstre. Le combat se prolongeait inlassablement, les deux combattants tentant d’asséner un coup mortel à son opposant. Des bruits de pas résonnaient toujours au lointain, mais cette fois il ne s’agissait pas de sabots, il s’agissait de sandales. Le satyre en prit conscience et leva les yeux du combat pour scruter les alentours d’un air furtif. Achillas s’exprimait toujours avec rage.
-Tu les entends ? Tu entends ces pas ? C’est la marche des soldats d’Hélos, ils viennent pour en finir avec toi et tes camarades, mais ne t’inquiète pas, j’en aurai fini avec toi avant leur arrivée !
Le satyre était désemparé, Achillas lança le javelot pratiquement à bout portant, celui-ci alla se ficher dans le cou de la bête. Décidément coriace, le satyre vivait toujours, malgré le râle qu’il exhortait et le sang qui coulait à flots. Achillas tournait autour de lui, se délectant de ses souffrances.
-Alors tu vois maintenant ! Tu observes de près la souffrance que tu as infligée ? Tu réalises !
Il s’empara d’une deuxième épée et s’approcha du satyre, positionna ses lames et en un mouvement de ciseau, trancha l’abdomen de la créature. Le satyre éviscéré vivait toujours, couinant et vomissant du sang par litre. Achillas affichait une moue de dégouts à cette vision d’horreur, il trancha la tête de la créature, avant de repousser le corps d’un coup de pied. Il lâcha son arme inutile et rangea l’autre dans son fourreau, avant d’accourir vers le corps transpercé d’Archippus. Celui-ci vivait toujours, mais son temps de vie se comptait sur les doigts d’une main.
-Archippus, l’Elysée t’attend, tu y seras accueilli tel un héros. Tu as fait face … malgré … malgré que tu ne fusses pas un guerrier. Je …. Je suis ravi de t’avoir compté parmi mes amis. Je suis désolé de t'avoir forcé au combat.
Il respirait avec peine, du sang s’écoulait de sa bouche, tout autant que sa plaie béante.
-Achillas … tu es un myrmidon, un de ces guerriers légendaires … et … et … tu nous sauveras de …. « Ça ». J’attendrais ta venue dans l’Elysée aussi longtemps que mon âme se consumera …
Ses yeux se révulsèrent et Archippus rendit son dernier souffle … laissant Achillas seul survivant de la bataille. Alors qu’il se relevait au milieu des corps, il vit l’armée, non pas Hélos, mais bel et bien celle de Sparte, fière et rouge, arborant des bannières aux lettres d’or : « Sparte », immobile à quelques mètres de lui …
« La fête bats son plein, je goute ce délicieux vin qui nous ai offert gratuitement, j’observe avec intérêt les jolies formes des danseuses, certaines sont grecques, d’autres sont égyptienne, d’autres encore sont d’origines asiatiques … toutes d’une beauté à ravir. Quelques minutes plus tôt, Sparte a célébré son alliance avec la ville de Troie. Le roi de Sparte, Ménélas ; sa femme, reine de Sparte, Hélène, d’une grande beauté d’ailleurs ; le prince de Troie, Hector ; ainsi que son jeune frère, Pâris. Que des invités de marque pour cette soirée. Mais tout le monde oublie un invité pour le moins remarquable, si ce n’est qu’il n’est pas roi … »
L’ambiance battait son plein, les musiciens et les danseuses se déchainait tandis que quelques hommes s’amusaient, pariaient et buvaient, prêt pour finir la nuit. Achillas était assis dans le coin de la salle, profitant du bon vin, un très bon vin de table, spécialement apporté de Rhodes en l’honneur du banquet. Le myrmidon sirotait lentement, attendant la venue de quelques amis, ceux-ci ne tarderaient d’ailleurs pas. Il avait eu la confirmation d’Eudore, mais aussi Agape et Europe, tout trois myrmidons bien sûr. Quand à Achille, sa réponse demeurait de l’ordre du « peut-être ». En fait, peu importait, Achillas se serait réjoui de sa présence, mais s’il n’était finalement pas présent, la fête serait quand même digne de ce nom avec Eudore et les autres…
Une serveuse passa prêt de lui, le plateau entièrement vide.
-Excusez-moi, belle dame … une dizaine de verres de vins je vous prie.
Elle rougit au compliment avant de répondre.
-Tout de suite, seigneur.
Achillas lui adressa un clin d’œil, le titre de « seigneur » était plutôt flatteur dans le sens où il n’en était pas un.
-Toujours aussi habile pour parler aux femmes à ce que je vois …
Achille apparut au coin de la porte et sourit au soldat assis à sa table. Celui-ci se leva pour aller saluer son seigneur.
-Ah, Achille. Tu es quand même venu ? Tu n’as pas trouvé d’autres divertissements à ta hauteur ?
La remarque le fit sourire de plus belle. Ils s’assirent tout deux près du coin, dans l’attente des autres.
-J’ai pensé que le meilleur divertissement se trouvait auprès de mes hommes … surtout que certains font un charme indéniable auprès des femmes.
Achillas prit un air volontairement innocent.
-Ah bon ? Je me demande bien qui…
-Tiens, en parlant de ta belle serveuse, la revoilà …
Celle-ci souriait en apportant les dix coupes de vins, elle les posa lentement sur la table, en un mouvement gracieux, avant de finir sur un « S’il vous plait » parfaitement poli. Achillas répartit le tout avant de lui tendre une dizaine de pièces d’or. Celle-ci en fut tout émue mais argumenta son refus.
-Monsieur, je ne peux pas… ce vin est totalement gratuit…
Ce à quoi Achillas répliqua avec aisance.
-Mais observer vos yeux bleutés comme la mer sous un ciel de nuit … cela n’as pas de prix.
Elle prit les pièces, arborant un sourire doux et charmant.
-Charmeur …
Elle s’en alla d’un pas tranquille tandis qu’Achille sifflotait en observant la foule.
-J’espère que je ne t’ai pas dérangé …
Achillas éclata de rire.
-Ne t’en fait pas pour cela.
Achille s’excusa tandis qu’il se levait en hâte, il avait probablement repéré quelqu’un de sa connaissance, il faisait souvent le coup. Achillas se leva lui aussi, parcourant la salle à lente enjambées, dans le but d’observer la décoration de la salle et aussi, trouver un autre angle pour profiter de la fête. Il vit le prince Hector, accoudé à un pilier de la salle, observant l’escalier menant aux étages supérieur. Achillas saisit une coupe de vin à la volée, avant de la tendre au prince.
-A votre santé, prince Hector.
Celui-ci fut à la fois surpris et content.
-A la votre, guerrier grec. Quel est ton nom ?
Achillas l’invita à s’asseoir à une table proche.
-Je me nomme Achillas, soldat grec mais bien plus que ça … Un myrmidon.
Hector sirotait le vin tout en faisant des hauts et bas avec sa tête, en signe d’acquiescement.
-Un myrmidon ? On dit que ce sont des soldats hors pairs, te vanterais-tu de cela ?
Achillas sourit en prenant une allure fière.
-Oui et non. Oui parce que effectivement les myrmidons sont une troupe d’élite, mais « non » pas pure modestie …
Ils trinquèrent, finirent leur verre, avant qu’Achillas ne remarque qu’Achille saluait Eudore quelques mètres plus loin.
-Excusez-moi prince Hector, je vous laisse pour le moment. On m’attend plus loin.
Celui-ci lui fit un signe de la main avant qu’Achillas ne le salue d’un bref signe de tête ; Il s’en alla accueillir Eudore. En passant, il vit que les balcons offraient un magnifique spectacle à la fois aquatique et céleste. Peut-être que cette nuit sera romantique, pour le peu qu’il trouvait la fille digne d’une telle balade ….